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 Récits de voyages

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Minara Leila
Minarapedia
Minara Leila

Messages : 69
Date d'inscription : 07/09/2014

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MessageSujet: Récits de voyages   Récits de voyages EmptyVen 6 Fév - 7:56

Je ne me suis jamais prétendu écrivain mais le temps passant, je pense que si j’attends mes vieux jours pour écrire, je ne le ferais jamais. Certains livrets sont les pages d'un journal que j'ai tenu, je tenterais de les remplacer mais je ne promet rien. Je tiens à laisser une trace de ce que j'ai vu car j'ai eu la chance (ou la malchance peut être) de connaître la Tyrie en des temps troubles. J'aimerais pouvoir m'étaler sur la beauté d'Ascalon avant la Fournaise mais mes souvenirs sont devenus eux-mêmes moins vivaces. J'espère cependant lui rendre justice.
Nous sommes en 1070 après l'exode. Je m'appelle Wellan Tars. J'ai 22 ans. Je suis envoûteur. C'est une magnifique journée.
Rien n'aurait pu prédire ce qui se passa ce jour-là. Nous répétions la pièce que nous devions jouer pour le mariage du prince Rurik et de dame Althéa. La fille du duc était notre mécène, une femme au noble cœur et qui prenait part à l'éducation de ceux qui avaient choisis de prendre la voie de la magie du chaos. A ces yeux, ce n'était en aucun cas en-dessous de son rang. Au théâtre de Lyssa, tous l'estimaient grandement, aussi, travailler cette pièce nous tenait à cœur, elle devait être grandiose.
Mais la vie d'artiste ne me suffisait pas à manger. J'ai voulu être envoûteur car c'était à mes yeux ce qui représentait l'essence de la magie et, sans me vanter, il m'a toujours été simple d'y exceller avec un minimum d'efforts. J'aimais inventer des choses, sortir de ce qu'on nous apprenait à Nolani. Mes professeurs, nettement moins, et c'est la raison qu'on invoqua pour me refuser en tant qu'enseignant. Tuteur à la rigueur, et je fus bien obligé d'accepter. Il était un temps où il était conseillé aux jeunes gens d'apprendre un autre type de magie, un autre domaine de compétence, afin de pouvoir être plus polyvalent et perfectionner la pratique de son art. Les envoûteurs étaient la bête noire de tous les lanceurs de sort car nous nous étions spécialisés dans l'art de les empêcher de les lancer et la magie de l'inspiration nous permettaient de les vider de leur magie. Bien sûr, nous apprenions de quoi nous défendre contre ceux qui utilisaient des techniques de combats sans magie mais les lanceurs de sorts étaient notre principale cible car sur un champ de bataille, provoquer la perte des moines de l'ennemi pouvait changer drastiquement la donne. Aussi, cela intéressait les élémentalistes, les nécromants et les moines d'apprendre à mieux gérer leur réserve de magie ou de manier l'art de l'illusion afin de mieux briser leurs opposants. C'est ce à quoi je m'employais quand je n'étais pas au théâtre de Lyssa.
Cet après-midi, j'avais eu une élève. Une élémentaliste spécialisée en magie de la terre qui voulait recevoir quelques leçons en magie de l'inspiration. En général, le genre de travail bateau qui m'ennuyait au plus haut point. Mais elle était jolie. On tenait les élémentalistes pour des personnes assez bien faites, bien que je ne sois pas tout à fait d'accord avec ce stéréotype, il est vrai que la rigueur corporelle que leur infligeait la magie élémentaire contribuait à sculpter leur corps de façon assez esthétique. Ils devaient être à l'image de leur élément. A l'époque, les élémentalistes préféraient choisir un seul élément et s'y consacrer au maximum. Aussi, les élémentalistes de terre devaient avoir des ancrages solides et beaucoup travailler leur positionnement. De fait, cette élève avait de très jolies jambes...
Ce fut un cri qui me fit sortir de mes rêveries. Ils avaient tous les yeux levés au ciel. Je suivis leur regard et m'aperçut des cristaux violacés qui semblaient tomber sur le sol. Ils ne faisaient pas que sembler. Je fus projeté dans l'herbe quand l'un s'écrasa sur la muraille derrière le théâtre. En quelques secondes, tout ne fut que fumée et chaos. Je ne sais plus vraiment ce que je fis ou ce que je dis à ce moment-là. Toujours est-il qu'à un moment, une douleur vive me fit tomber dans l'inconscience...


- « Baron Leila ? Une lettre pour vous ! »

 Elyss souleva brusquement la tête de sa lecture, sursautant presque.

-« J'arrive. »

Il s'éclaircit la gorge après s'être rendu compte du son rocailleux de sa voix. Il parcourut des yeux l'écriture du recueil qui perdait peu à peu son éclat violet, synonyme de la magie des envouteurs.
Il remercia la fille de l'aubergiste et referma la porte. L'enveloppe était d'une écriture qu'il reconnaissait bien : Minara. Deux jours qu'elle était partie. Déjà.
Il risqua un regard dans le miroir près de lui. Pour un peu, il ne se serait pas reconnu. Les mèches blondes qui s'ébouriffaient de façon informe n'avaient jamais été les siennes. Pas plus que ces yeux injectés de sang qui lui rendait un regard vert vif inquiétant. Et ne pas se raser pendant une semaine et demi n'arrangeait rien à l'affaire. Parfois, il se demandait si c'était l'image d'Elyss Leila que le miroir lui renvoyait ou s'il ne devenait pas simplement fou.
La lettre. Il alla s'asseoir à sa table, déchirant d'une main fébrile l'enveloppe. Minara n'avait jamais eu aucun talent stylistique, ça ne l'avait jamais intéressée. Toute noble qu'elle était, l'art d'écrire des lettres faisaient partie des choses qu'elle avait toujours rejeté en bloc « C'est du remplissage. », « C'est simplement un exercice de conventions. », « C'est une façon de se cacher derrière les mots. ». Mais pour son frère, elle voulait bien écrire puisqu'ils ne pouvaient pas se voir. Garder le contact avec la réalité. Et comme ça, il pourra voyager un peu, lui aussi.
Cela faisait quelques temps qu'elle préparait ce voyage. Bien avant la mort de Castiel, même. Mais il n'y avait jamais eu le temps. Depuis leur mariage, ils avaient été trop accaparés par leur travail, leurs devoirs familiaux ou les ennuis des uns et des autres. Et Minara avait rongé son frein. L'envie de voyager lui était venue quand Père avait enfin cessé d'exercer sa pression écrasante sur ses enfants. Ils étaient adultes et tout baron qu'il était, le vieil homme ne pouvait retenir quelqu'un qui était familier des courants d'air chez lui. Ils étaient tout deux partis. Lui, Elyss, il était revenu. Minara, jamais tout à fait. Maintenant qu'elle était veuve, elle tournait comme un lion en cage. Les conventions de la noblesse lui interdisait strictement de sortir pendant six mois sauf cas exceptionnel comme le travail ou la santé. Encore heureux qu'elle était jeune, cela lui apportait quelque indulgence. Mais ce n'était jamais assez, n'est-ce pas ?
Prétexter partir à la campagne pour se ressourcer était commun, simplement Minara n'était pas vraiment à la campagne. Mais ça, ils n'étaient pas obligés de le savoir. Ce n'est pas non plus comme s'ils l'espionnaient. Du moment qu'elle était discrète, elle pouvait aller n'importe où. C'est pourquoi elle franchit le portail de Hoelbrak.
Heureusement qu'Elyss avait assez d'imagination pour donner quelque lustre au style presque télégraphique de sa chère jumelle.

Sans grande surprise, Kenra Stalåske m'attendait devant la porte. Je dois avouer que je n'ai pas pensé au fait qu'elle ne savait peut être pas lire mais visiblement, soit elle savait, soit elle s'était fait aidé. Peu importe au final.
Autant dire que nous n'avons pas lambiné pour nous mettre en route. Je tenais à partir le plus vite possible et elle était prête également. Nous avons marché dans la neige un bon moment en échangeant quelques mots. Le silence me serait allé aussi bien.
J'aime les Cimesfroides. Comme toi. Comme Père, ironiquement, l'une des rares choses sur lesquelles on s'accordait tous. Et encore. Lui, aimait le calme de la neige qui tombe, découvrir chaque matin le lac qui gelait de plus en plus au fur et à mesure que la saison du Scion progressait. Toi, tu aimes regarder le paysage se transformer, les animaux prendre un pelage blanc, les quelques constructions nornes et naines traînant ça et là être recouvertes sous un manteau de neige. Moi, j'aime quand le vent mugit à mes oreilles, tellement fort qu'on n'entend rien d'autre, pas même ses pensées. Avoir le visage fouetté par le vent, sentir qu'une bourrasque un peu plus puissante pourrait nous envoyer quelques mètres plus loin... Ce n'est jamais arrivé mais j'aime cette possibilité. Je ne suis pas assez idiote pour me jeter dans la tempête.
La norne montre une certaine curiosité pour notre culture et moi, j'essaye d'en apprendre un peu plus sur eux. Elle m'aurait presque fait avouer que l'on se ressemblait. Que le prestige que l'on accorde aux nobles est égal à celui qu'ils prêtent à leurs skaalds. Mais j'ai du mal à accepter l'idée. Ils ne sont pas comme nous. Ça ne peut pas être le cas. Sinon, on se comprendrait mieux. En vérité, malgré tous leurs défauts, je ne vois pas les norns comme les vipères que l'on peut rencontrer dans le sillage de la Reine. Il est certainement possible que certains soient fourbes mais ce n'est quand même pas le panier de crabes auquel nous sommes confrontés.
Elle s'est mise en tête de m'apprendre à chasser. Elle en avait déjà parlé la dernière fois que je l'avais vue. Je m'étais préparée à ça. Sculpter dans la glace une arme opérationnelle n'avait pas été une mince affaire mais me concentrer sur ça m'avait permis de surmonter certains moments difficiles avec Castiel. Tu sais à quel point sa captivité chez les Séparatistes l'avait changé. Je crois que j'en serais devenue malade si je n'avais pas eu cette distraction. Je suis assez satisfaite de moi, et Kenra aussi pour ce que ça vaut. Elle qui rejetait la magie comme « trop facile » et « qui ne laisse aucune chance à la proie », elle n'avait pas imaginé que la magie pouvait reproduire les armes « communes ». C'était bien plus simple et adapté pour moi car on n'avait pas à chercher pendant des jours une arme qui convienne à ma taille et à ma force et je pouvais moduler moi-même les faiblesses de ma création ou les miennes pour ce que ça importe. Tu sais à quel point je manque de patience. Viser m'ennuie. Retenir mon souffle m'exaspère. J'aime quand c'est réglé rapidement et nettement. Et ce n'est pas facile mais j'ai autre chose à faire que d'en débattre avec la norne. Elle est plus têtue qu'un dolyak.
Nous nous sommes arrêtées dans un avant-poste. Quelque part dans les Congères d'Antreneige, je crois. Des norns et des gardes du lion le peuplent. Je me demande bien ce que ces derniers font ici. Même si une partie de leur juridiction est dans les Cimesfroides, ce n'est pas si étendu. Tu m'aurais sûrement sorti un livre et trouvé une explication historique ou je-ne-sais-quoi. Mais tu n'es pas là et au final, je m'en fiche.
Le manque de manières, au sens où nous l'entendons, des norns me décontenance toujours. C'est comme si l'on pouvait rentrer chez quelqu'un, le saluer et se servir dans sa marmite. Je veux bien croire qu'ils sont à cheval sur l'hospitalité mais de là à se servir soi-même... Mais je préfère ne rien dire. Juste suivre et me laisser porter est plus ou moins ce que j'avais en tête.
J'ai besoin de changer d'air. J'aimerais ne plus voir personne. Je veux me couper de la civilisation parce que je sais qu'à mon retour, ce sera à moi de m'occuper de tout.
Prend soin de toi.

Minara.


Elyss écarta la lettre, soupirant longuement. Il voudrait être avec elle, là-bas. Lui aussi, il aimerait quitter le monde, parfois.
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Minara Leila
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Minara Leila

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MessageSujet: Re: Récits de voyages   Récits de voyages EmptyMar 24 Fév - 18:37

Nous sommes reparties le lendemain. Nous avons croisé Heinrich ou il nous a rejoint mais autant te dire que cela ne m'a pas plut sur le coup. Pas que je désire garder la compagnie de la norne pour moi-seule, bien au contraire, si cela avait été possible, je serais partie en solitaire, mais j'ai eu un peu l'impression d'être poursuivie par ce que je tentais de fuir. Ce n'est pas la faute de ce pauvre homme mais cela contrecarrait mes plans.
Sitôt après lui avoir soutiré la promesse de garder le silence quant à l'endroit où je me trouvais (et tu sais combien son métier de tavernier s'apparentait à celui de commère), nous reprîmes la route. Kenra nous amena à un pavillon norn. Selon elle, il se trouvait près des bons terrains de chasse. J'en doute sérieusement pour ma part : il y a bien trop de monde. La taverne où tu loges est bien moins peuplée et bruyante. Mais je me gardais bien de la reprendre, premièrement car je ne suis pas une chasseuse émérite, sans doute, le gibier s'est habitué à cette activité, deuxièmement, car je serais bien idiote de me trouver en conflit avec une personne que j'ai sollicitée. Et je n'accepterais aucun commentaire de ta part sur le sujet même si je sais pertinemment quel contre-exemple tu as à l'esprit.

La norne a déclaré que nous allons attendre « le bon moment » pour partir en chasse. J'ignore ce que cela veut dire. Elle ne se montre pas plus claire quand je la questionne, il m'est donc impossible de déduire quoi que ce soit par moi-même. Ça m'agace, tu le sais bien. J'essaye de grappiller un peu de solitude en m'éloignant le plus possible du pavillon. Les jours de tempête, j'enrage comme un animal en cage. Je n'ai pas la prétention de pouvoir résister à une tempête de neige. Je sais que je peux me perdre. Ironique pour quelqu'un qui est venu avec pour intention de se retrouver, n'est-ce pas ?

Heinrich a décidé de s'essayer à la pêche au harpon. Sans succès mais je dois avouer que Kenra et moi ne l'aidions pas. J'aurais fait la morte, peut être n'aurait-elle pas eu l'idée de me défier. Cela te surprend que je promette d'essayer, n'est-ce pas ? C'est plutôt mon genre de tout rejeter en bloc mais pas cette fois. De une, je suis de guerre lasse. De deux, peut être que j'arriverais à me rendre plus patiente ?

Je me suis un peu entraînée un peu, pour ne pas être totalement ridicule. Mais cela m'agace, restez à ne rien faire, attendre que les poissons se soient habitués... Je ne suis pas une montagne à la fin ! De plus, l'immobilité me renvoie à Castiel mort dans sa tombe. C'était un homme actif, et maintenant, il est mort, aussi inerte qu'une pierre. C'est encore trop difficile d'y penser. De plus, rester inactive me fait ressentir de la culpabilité. Pour Haydan. Pour qui d'autre exprimerais-je des regrets ? Je me pose des centaines de questions : suis-je partie car je ne supporte plus le contact d'autrui ? Parce que je veux fuir tout ce qui me rappelle Castiel ? Parce que je désire prendre un nouveau départ ? Tu sais, il n'a même pas un an mais il ressemble déjà tellement à son père. Les mêmes cheveux bruns, les yeux... Nous croyions qu'il aurait les miens car il les a eu bleux longtemps mais l'un est devenu vert jade, à l'instar de son père. On a beau m'assurer que cela peut arriver, je n'en demeure pas moins inquiète. Elyss, est-ce que je suis une mauvaise mère de l'avoir laissé derrière moi alors que je ne fais... rien ?
Je suis déchirée entre l'envie de rester et celle de le rejoindre. J'attendrais la chasse pour prendre une décision, je pense. N'en prend pas de mauvaise en ce qui te concerne.

Minara




Elyss prit sa plume pour lui répondre, consultant du regard la lettre. Il resta là, quelques minutes, à tenter de contrôler le tremblement de sa main avant d’abandonner. Il n'était bon à rien aujourd'hui, pas meilleur que les autres jours, peut être pire. Cela avait le don de le rendre fou.
Il passa sa main gantée sur son front, comptant jusqu'à cent, se perdant aux alentours de 57... Il se releva en jetant des regards anxieux à la porte, à la fenêtre. Rien, toujours rien. Il passait ses jours à attendre quelque chose qui ne venait pas. La nervosité lui nouait les muscles et il était aussi courbaturé que s'il avait effectué l'un des parcours que les Veilleurs destinaient à leurs nouvelles recrues. Il n'y avait plus grand chose qui retenait son attention désormais. C'en était frustrant mais c'était sans surprises compte tenu de son irritabilité qui ne cessait d'augmenter.
Ses yeux finirent par se poser sur le premier manuscrit des mémoires de Wellan Tars. Il est vrai qu'il n'en avait pas repris la lecture. Il avait beau le connaître presque par cœur, ce livre ne cessait de le fasciner. Sans doute parce qu'il lui permettait d'appréhender le monde d'autrefois.

Il m'aurait été bien difficile de dire quand je m'éveillais. Tout me semblait nuit. Avec ce ciel rouge et noir, c'était ardu d'avoir une certitude. J'avais déjà la nostalgie du ciel bleu. Et pas seulement ça... De l'herbe verte aussi, qui avait été remplacée par un sol crevassé où se mêlaient végétation brûlée et poussière ocre rouge. La situation aurait été différente que j'aurais trouvé les cristaux violets plantés dans le sol esthétiques mais c'est ma maison qu'ils avaient détruits. Je les haïssais aussi fort qu'on pouvait haïr quelque chose d'inanimé. Leur vue m'emplit encore de rage, aujourd'hui, il y a des choses que le temps ne guérit pas...
Je collais mon visage aux barreaux de la cellule ou plutôt, la cage dans laquelle j'étais enfermé avec quelques autres. Cinq ou six, hommes, femmes, enfants, blessés et valides pêle-mêle. Je m'en étais bien tiré pour ma part, des contusions mineures et des hématomes sans importance mais je vis assez vite que notre problème serait le manque d'hygiène. Une blessure pouvait se révéler mortelle si elle n'était pas nettoyée. Nous en avons perdus beaucoup ainsi. Quel gâchis.
Le feu et les ombres velues qu'il renvoyait me confirmait bien que nous étions au sein d'un campement Charr. Au-delà du rempart, si j'en jugeais par les ruines mais je n'en étais pas certain, difficile à dire quand tous les repères que j'avais n'étaient plus que des cendres. Mais si c'était le cas, cela voulait dire que les Charrs avaient eux aussi été victimes de ces cristaux. Dans quelle mesure, je l'ignorais mais il y a bien du avoir des morts de leur côté aussi. La question était : autant que les humains ou avaient-ils été préparés auparavant ?
Je secouais la porte de la cage pour vérifier sa solidité. Assez solide pour qu'un Charr est le temps de m'obliger à reculer en projetant sa patte griffue sur les barreaux. Sans avoir eu de contact avec eux jusque là, je savais que leurs griffes pouvaient lacérer un humain sans difficulté et je tenais à mes doigts. La créature grogna, j'avais du mal à y identifier des mots mais son comportement suffisait clairement à me signifier de me tenir tranquille.
Nous étions leurs prisonniers et quel que soit la cause de ce phénomène qui avait transformé Ascalon en une reproduction des îles de feu, cela ne changerait pas si simplement.

Les jours passèrent, j'en perdis vite le compte. Ayant fini par distinguer le jour de la nuit, c'est la fatigue qui me faisait perdre mes repères.
Quelques temps après mon emprisonnement, les arrivées de prisonniers étaient devenues plus rares. Ils nous avaient triés, séparés les hommes des femmes, les enfants des parents et les blessés des valides. Personne ne savait vraiment où se rendaient les autres groupes et un accord tacite nous interdisait de se poser la question. Nous vivions en plein cauchemar, inutile d'accentuer encore plus notre désarroi. Les Charrs nous avaient fait marcher longuement. Nous ne passions que de geôliers en geôliers, visiblement, nous laisser dormir leur paraissait trop dangereux. Aussi, nous marchions tout le temps, les plus faibles tombaient pour ne pas se relever et les Charrs s'assuraient bien que la chute ne soit pas une feinte ou ne le soit plus, devrais-je dire. Nous n'échangions aucun mot, pour économiser nos forces et parce que les Charrs rudoyaient quiconque défiant l'interdiction.   Confusément, j'avais bien essayé de reconnaître les lieux que nous traversions mais sans succès, il m'était également difficile de repérer un visage connu parmi les figures blafardes, amaigris et sales de mes compatriotes.
Le groupe s'immobilisa enfin mais il ne nous était pas permis de nous reposer encore. Nous avions rejoint d'autres prisonniers. Sans surprise, des hommes qui étaient à peu près dans le même état que moi. Un Charr à la crinière d'un rouge flamboyant se tenait sur une estrade improvisée. A voir les breloques et les caractéristiques tribales qui ornaient sa fourrure, j'en déduis qu'il devait être un Chamane de Feu. Une sorte de caste de sorciers chez les Charrs qui les commandait plus ou moins, je crois. Il avait une voix gutturale, il était encore difficile de comprendre certains mots, car même en partageant la même langue, nos façons de parler étaient différente étant donné qu'ils avaient une gueule de lion quand nous avions une bouche. Il nous expliqua qu'Ascalon était tombée. Les cristaux tombés du ciel étaient une puissante invocation qu'ils avaient conjurée à l'aide de leurs dieux de feu. Telle était la puissance des Charrs et c'était le châtiment de ceux qui avaient déchaîné leur colère. Nous leur avions volé leurs terres et refusé de les rendre (à vrai dire, il était difficile de mémoire d'homme de se rappeler quand Ascalon avait appartenu aux Charrs, c'était il y a tellement longtemps...). Ils consentaient à nous laisser la vie sauve si nous nous plions à leurs ordres. Ils avaient besoin d'esclaves pour effectuer les basses tâches de construction et autres travaux mineurs. Il ne fit pas une fois mention de libération. Une chape de plomb venait me tomber dessus. Tout était fini. Ascalon, le plus grand des royaumes humains n'était plus. Certains se rebellèrent et ils le payèrent de leur vie. Je fus tenté d'essayer de tuer le Charr le plus proche de moi, j'avais tout perdu, qu'importe que je meure ou vive et si je pouvais emporter un ennemi avec moi...
Mais quelque chose me retint. En songeant au peu de valeur que ma vie avait, je me souvins des personnes qui avaient de la valeur pour moi. Mon oncle, un noble homme qui m'avait élevé alors que j'étais le fils naturel de sa sœur bien-aimée et dont ma naissance avait provoqué la mort. Ma cousine qui m'avait toujours traité en frère. Et puis... tous les autres. Mes amis du théâtre, mes élèves... Je devais savoir ce qu'il était advenu d'eux. Ma rébellion attendrait.

Le travail était dur. Les Charrs plus encore. Ils n'avaient pas de pitié pour nous. Ils rechignaient à perdre les bons éléments aussi soignaient-ils ceux qui se blessaient mais ils n'hésitaient pas à les tuer si ceux-ci se sentaient pousser des ailes et les défiaient. Bien sûr, il aurait trop simple qu'ils ne se cantonnent qu'à un traitement binaire de leurs prisonniers. Ils pratiquaient toute sorte de sévices selon le crime commis. De ceux qui tentaient de s'enfuir, seuls ceux qui se montraient difficiles à rattraper passaient de vie à trépas. Les autres échoppaient de blessures plus ou moins handicapantes. Pas trop, histoire de pouvoir encore servir mais celui qui perdait sa jambe pouvait se retrouver à faire des travaux qui ne demandaient que de la dextérité au niveau des mains. Dûment surveillé, cela va de soi. Tout bestiaux qu'ils étaient, les Charrs faisaient preuve de prudence quand ils traitaient avec leurs prisonniers. Il n'était pas question de leur laisser l'opportunité de trahir. Peu de nouvelles filtraient d'un camp de prisonniers à l'autre. La fatigue nous terrassait tellement que nous pouvions à peine échanger quelques mots, soit nous étions pris par la maigre pitance que représentait notre repas, soit la fatigue nous terrassait trop. Nous étions comme seuls au monde.
J'ai fini par apprendre que nous nous trouvions près de Drascir. Ça avait été notre capitale avant d'être Rin, qui fut prise également en fin de compte. Je ne savais toujours pas ce qu'il était advenu de mon oncle, il n'était pas parmi nous donc tout était possible. Je désespérais pour la survie de ma cousine, un chamane nous avait annoncé qu'ils avaient sacrifiés à leurs dieux des femmes. Nous comprîmes tous que Dame Althéa en faisait partie quand il cita « La femelle de votre pathétique Rurik », un coup au moral dont il avait été difficile de se remettre. Quant à ceux que je connus au théâtre ou à Nolani, je glanais quelques informations, untel l'avait vu avant d'être emporté vers son propre camp, un autre jure que ces deux personnes ont été écrasées par un cristal... Un bilan macabre au final et éreintant mentalement.
Dans ma cellule, il y a un moine. Quand nous arrivons à tenir éveillés, nous prions ensembles. Tant que nous restons discrets, les Charrs nous laissent relativement en paix. Lyssa est ma déesse protectrice, je ne pense jamais avoir eu tant de ferveur religieuse qu'à cette époque. Je priais pour ma sauvegarde, celle de ma famille, pour tout ceux qui partageaient mon infortune, pour la jeune fille qui lisait son livre sous un arbre avant que tout ne soit bouleversé...
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